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ABç, clichés du quotidien
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9 février 2012

Rencontre avec le "roi du macaron"

 

Pierre Hermé et moi-même

Monsieur Pierre Hermé et moi-même

 

9h00, je sonne. Je rentre dans la "Maison Pierre Hermé". 9h15, je m’installe. Je demande la permission de mettre en marche mon dictaphone, je sors mon stylo et mes questions soigneusement préparées depuis quelques temps déjà,  et c’est parti pour cet entretien qui me tient tellement à cœur !


Pouvez-vous me présenter la « Maison Pierre Hermé Paris » ? En quoi consiste-t-elle ?
J’ai eu envie de créer une entreprise pour exercer mon métier comme j’en avais envie. Lorsqu’on travaille pour une maison, comme Fauchon par exemple, on a forcément un cadre, un passé, une histoire qu’il faut cultiver et faire évoluer.  J’avais besoin de m’émanciper de tout ce poids. De voir mes produits mis en valeur de la façon dont j’en avais envie. Ce fut-là la principale motivation pour créer cette entreprise.


Quelle était la vision que vous aviez du métier lorsque vous étiez petit?
Vous savez, je suis né et j’ai grandi dans une boulangerie-pâtisserie. Mon père exerçait ce métier, il était passionné et se levait tous les jours à 2h du matin. C’est un métier à la fois difficile et exaltant.


Et cela ne vous a-t-il jamais fait peur ?
Non. Ma mère a essayé de m’en dissuader, mais elle n’y est pas parvenue.


Je souhaiterai en savoir un peu plus sur le  « jour du macaron », pour quelles raisons avoir mis cette initiative en place, et depuis quand existe-t-elle ?
Pour bien comprendre la journée du macaron, il faut que je remonte un peu en arrière, et que je relate tout le parcours du macaron, sinon il va vous manquer des éléments. Quand j’ai appris le métier  chez Lenôtre – j’ai eu cette chance là – on ne faisait que quatre sortes de macaron : chocolat, café, framboise et vanille.  On accolait alors seulement deux biscuits avec un peu de ganache, de crème au beurre, ou de confiture. Et cela n’avait qu’un vague goût de chocolat, de framboise, ou de café. Je n‘aimais pas ça, je trouvais cela vaguement sucré, seul le coté dense et moelleux m’intéressait. J’ai donc commencé à en faire et j’ai vite compris que ce qui donnait le gout était la garniture. C’est elle qu’il allait falloir travailler, et en garnir plus généreusement les macarons, pour plus de goût. C’est d’ailleurs la particularité des macarons Pierre Hermé que l’on reconnait parmi les autres. J’ai ensuite travaillé sur de nouveaux parfums (citron, rose, cassis…), puis sur des associations de saveurs, enfin je me suis mis à travailler la texture. Cela a permis par la suite de donner de nombreuses variations de goûts, de textures et m’a ouvert à d’autres pistes de créativité. Ensuite, quand nous avons démarré notre maison, nous avons voulu mettre en valeur le macaron et faire parler de lui. Car nous avons toujours pensé qu’il y avait quelque chose à faire avec. A l’époque où je conseillais encore Ladurée, nous les avions encouragés à le mettre en valeur, mais nous n’avions pas réussi à les convaincre. Mais lorsqu’ils ont vu ce que cela donnait, ils ont alors changé d’avis. Et donc à un moment donné avec Charles, nous nous sommes dit qu’il fallait créer un événement où il serait l’élément central. Nous avons alors eu l’idée de cette journée, qui entre dans sa sixième année. Elle permettait de pouvoir offrir aux clients des macarons. En échange d’un don. A l’époque c’était pour les maladies orphelines, cette année,  l’autisme sera au centre de l’initiative. Cela permet à la fois de récolter des fonds (une partie de la recette de ce jour est reversée), et de faire parler du macaron. Nous trouvions cela un peu dommage d’être seuls pour cette journée, nous avons alors convié des pâtisseries appartenant au « Relais Dessert », association comprenant les cent meilleures pâtisseries d’Europe. La démarche était jusqu’à ce jour volontaire, mais dès cette année, elle est obligatoire.


Depuis quelques temps en Suède, il y a un véritable engouement pour les muffins et les cupcakes. Est-ce que vous pourriez prendre une autre pâtisserie et en faire une déclinaison  comme pour le macaron ?
J’ai commencé à travailler sur la gaufre lilloise. Il s’agit d’une pâte levée, à brioche, qui est garnie. Je l’ai déclinée au praliné, à l’Ispahan. Je ne sais pas si c’est une piste, mais c’est un produit que j’adore depuis très longtemps.


La cuisine est en fait un travail de mémoire ?
Uniquement ! C’est à la fois un travail de mémoire, d’intuition, mais également d’audace. Un peu de tout ça à la fois.


Vous avez dit, dans une interview, que le métier de pâtissier était la transmission d’une culture…
Un métier n’est pas que techniques et ingrédients, sinon cela ne serait pas intéressant.


Lors d’interview, vous il vous est arrivé de parler de pâtisserie « haute couture »…
J’ai inventé cette expression en 2001. Jamais je ne l’avais vu avant. C’est peut-être un peu gonflé, mais j’ai osé ! Tout le monde s’est engouffré dans ce terme. Comme les collections,  que j’ai commencées en 1986 chez Fauchon, et qui m’ont permis d’insérer les pâtisseries dans un rythme qui n’existait alors pas dans cette maison. Mais j’ai arrêté ce système semestriel en 2006, car beaucoup s’y sont pris, et moi je voulais alors lancer les créations quand j’en ai envie, sans faire attention aux saisons. Hier, nous avons d’ailleurs sortie deux nouveautés, et la semaine prochaine en arrive une autre. Qui sera d’ailleurs une démarche à part entière sur toute l’année.


Justement, j’ai une question là-dessus ! Est-ce pour fidéliser le client ?
Tout ça n’est que la conséquence. A l’origine, 19 nouveaux macarons sont sortis l’année précédente, et parmi ces 19, beaucoup étaient en lien avec les fleurs, aux parfums de rose, jasmin… Charles a alors trouvé à partir de cette utilisation inconsciente du thème floral et végétal, l’idée des « jardins ». C’est alors devenu un ensemble. Nous avons ensuite pensé à la manière de commercialiser ces créations, et il nous est venu cette démarche-là, mensuelle. Chez nous le travail de marketing n’est qu’une conséquence des créations. Nous ne pensons pas au plaisir du client, à la demande. C’est également à la suite de ça que nous avons eu l’idée d’une boite sur ce thème, où un fleuriste collabore avec nous pour une idée originale, allant dans la continuité de ce projet, sur ce thème végétal. Mais à l’origine il n’y avait que les macarons.


Vous trouvez toujours des noms très poétiques à vos créations. D’où vous vient l’inspiration ?
Soit elle vient de nulle part, soit le nom est lié au produit. Par exemple, j’ai nommé « Infiniment » toutes les pâtisseries qui consistent à travailler sur un même gout ; Infiniment café, Infiniment vanille, Infiniment citron…  L’idée m’est venue quand j’ai travaillé sur la tarte vanille, lorsque j’ai voulu travailler ensemble différentes vanilles, car je voulais quelque chose qui soit très « vanille » ; ou l’art de pousser un goût dans sa plus belle expression. De mon point de vue ! C’est également un moyen de montrer qu’il peut y avoir création même si le travail ne repose que sur un seul goût.


Je trouve que le nom de vos pâtisseries a un impact sur la dégustation… On rêve un peu plus, on prend son temps lors de la dégustation.
Parce que vous êtes sensible à l’expression. Mais dans toute communication qui sort de cette maison, je suis absolument intraitable sur les mots. Certains mots sont interdits, il y en a certains que je n’aime pas.


Vous pouvez donner des exemples ?
Lorsque nous avons fait les desserts dans les verres, en 2002. J’étais incapable d’appeler ça « verrine ». Je trouve le mot tellement vilain ! Alors j’en ai trouvé un autre. Je trouvais qu’« Émotion » était plus intéressant car dans ces verres je voulais transmettre quelque chose qui n’était pas possible avec les gâteaux. Et ce mot correspond à ce que j’exprimais dedans. Le mot « gourmand/gourmandise » n’est pas à utiliser n’importe comment, ce n’est pas du bavardage. On a tendance à l’utiliser à n’importe quelle sauce, sans sens ! Ou alors « bonne dégustation » est une expression qui me hérisse le poil. Parfois des gens le disent en boutique, mais on tente de les reprendre. On essaye de gérer leur vocabulaire, par une formation, mais ce n’est pas facile, car le vocabulaire est lié à la culture de chacun. Mais il est vrai que les mots ont de l’importance. Et surtout dans l’univers du luxe, où chaque mot, chaque chose est  à sa place, il n’y a pas de hasard. Si vous regardez bien, il n’y a aucun nom anglais ou franglais dans la maison. Je déteste ça ! Il y a une exception avec « Miss Glagla » ou « Mister H », mais nous voyons plutôt ça comme une plaisanterie, un clin d’œil. J’aime cet esprit très français, car je trouve que cela perd de son impacte si on mélange les deux langues. C’est ce qu’on appelle l’attention au détail, qui est une des valeurs de la maison.


Quand vous avez une recette en tête et que celle-ci s’avère impossible, que faites-vous ?
Nous trouvons tout le temps des solutions. Par exemple, pour le gâteau « Ombre et lumière », nous avons mis deux ans car nous avons rencontré des difficultés pour faire les boules, et la coque. J’avais cette idée, après avoir vu une photo de paquet cadeau avec des boules, dans un magazine. A partir de là je l’ai adapté, mais c’est cette idée-là que j’ai poursuivie, et ça a pris du temps car il y avait des enjeux techniques. Et nous sommes encore en train d’améliorer la technique du moulage de la coque !


Vous trouvez donc de l’inspiration dans tout ?!
Là, c’était purement visuel. Il ne s’agissait que de la coque. Après J’ai dû créer un gâteau, et là l’inspiration fut très différente. Il s’agissait du chocolat d’exception.


Une heure trente plus tard, et mon stock de questions épuisées, l'entretien se termine. Je ne pense pas qu'il est nécessaire de vous dire à quel point Monsieur Hermé fut extrêmement gentil d'accepter cet entretien, et à quel point je fus heureuse! Et voilà, l'un de mes rêves qui a été réalisé! Vivement cet été pour la potentielle commercialisation de ce sac ! En attendant, rendez-vous dans les boutiques Pierre Hermé pour les nouveaux macarons « Jardins » dont le premier est étonnant à souhait ! Vous y trouverez du citron vert qui vous inonde la bouche, avant de vous faire surprendre par l’acidité de la framboise. Vous finirez sur une touche épicée de piment d’Espelette qui vous chatouillera les papilles. Et si ce macaron ne vous comble pas entièrement, je vous conseille la Tarte Infiniment vanille, un pur délice !

Pour le site internet, c'est par ici!


Bonne soirée à vous !

 Le salon de reception

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L'atelier

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Le bureau du chef pâtissier

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Le fameux gâteau "Ombre et Lumière"

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Un présent

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Un cadeau de la part de ses cuisiniers

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Commentaires
F
J'aime beaucoup superbe entretien.Je suis bluffée!
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